’eau monte de plus en plus vite, 1,1mm par an et quatre fois plus d’ici 100 ans », constate Cédric Brunel. Si la mer monte sur des pentes relativement douces comme celles qui caractérisent les plages de poche, la ligne de rivage va reculer progressivement. Ces plages sont souvent adossées à une falaise, le sable y est bloqué, et ne peut pas translater (se déplacer) en arrière de la côte. « A terme le rivage sera englouti sous les eaux », ajoute-il. En Camargue, les plages ne disparaîtront pas car elles ont l’espace pour translater. Seules les zones urbanisées sont en danger, c’est le cas des Saintes Maries de la Mer depuis une cinquantaine d’années. En 1920 il y avait 500 m de plage aux Saintes Maries de la mer ; en 1970 il n’y en avait plus que la moitié. Par la suite ont été mis en place des enrochements pour protéger le village contre l’érosion. « Lors de tempêtes, l’action de la mer grignote cette digue, qui fait l’objet de réparations constantes. On tend vers une presqu’île, plus aucune plage, avec la ville uniquement reliée au littoral par une digue »
Les risques côtiers sont au cœur des préoccupations du chercheur. "Le problème, c’est que le Rhône n’apporte plus suffisamment d’alluvions à la mer". Généralement, celle-ci prend en charge les petits matériaux en suspension, et les redépose sur le rivage par l’intermédiaire de ses courants côtiers. "C’est le même inconvénient pour tous les delta de la côte méditerranéenne".Les barrages construits pour alimenter les canaux d’irrigation, ou les centrales électriques piègent les alluvions, qui, avant ces aménagements, permettaient au delta de progresser sur la mer. Aujourd’hui les deltas sont fragilisés, et la mer ronge les côtes. "Ce sont les vagues qui arrachent les sédiments lors de tempêtes extrêmement violentes". Cédric Brunel a analysé les enregistrements de houle relevés par le marégraphe de Marseille. "Sur les 100 dernières années, les tempêtes augmentent en nombre et en intensité en méditerranée. Ces épisodes tempétueux provoquent une montée des eaux sur les côtes qui peut aller de 40 à 70 cm supplémentaires". Cette hausse s’explique suivant un principe mécanique. L’air exerce une pression sur la surface terrestre, un poids. Quand la Méditerranée est dans une zone de basse pression, l’eau subit moins le poids de l’air, ce qui se traduit par une montée brusque des eaux sur les côtes.
"Sur du long terme vont se combiner une montée de la mer due au réchauffement climatique, et un niveau marin qui s’élèvera beaucoup plus haut lors de tempêtes". En 1992, dans son ouvrage "côtes en danger", le géographe Roland Paskoff spécialiste des littoraux, conseillait d’éloigner les aménagements du rivage afin que le système de protection naturel puisse se mettre en place. "La plage prévoit une zone tampon où se forme souvent un banc qui ralentit les vagues et diminue leur action érosive" précise Cédric Brunel. Les dunes ainsi formées restituent le sable à la plage après les intempéries et protègent l’arrière côte. Depuis 1995 les plans de prévention des risques naturels prévoient que les espaces susceptibles d’être submergés ou érodés d’ici 100 ans restent inconstructibles. En zone urbaine, cet espace intermédiaire a souvent été colonisé par les aménagements, et ne peut donc plus jouer son rôle. "Si les tempêtes s’intensifient les plages risquent de perdre plus de sédiments qu’elles n’en gagnent, ce qui amplifiera le recul prévu par la seule montée des eaux, et la mer déchaînée frappera plus près des bâtiments. L’inondation des côtes y sera sans doute aussi plus fréquente."